L’INTIMITÉ, UN ESPACE À DÉFENDRE
L'auteure Lilia Hassaine, dans son roman Panorama, dépeint un monde d’habitats transparents où l’architecture n’abrite plus mais expose, et où l’intimité devient soupçon. Si l’intrigue se déroule en 2050, le récit prend pourtant racine en 2030
et nous plonge dans les travers de nos tendances contemporaines. Spoiler, le visible a gagné et l’intime, lui, cherche un abri.
Dans un contexte où le seuil du privé et du public s’efface, le besoin fondamental de se soustraire au regard s’impose. Plus que jamais, l’espace domestique devient un territoire engagé. Comme le rappelle Noémie Goddard, l’intérieur ne suffit pas à faire intériorité.* L’intimité ne dépend pas d’une enveloppe bâtie, mais d’une relation avec le décor. Au-delà de l’esthétique, nos appartements scénographiés deviennent à la fois coquille et filtre. Lorsqu’il est partagé, l’intérieur s’effeuille en strates successives d'intimité, des espaces communs jusqu’au creux d’un fauteuil enveloppant.
À la dernière édition de MAISON&OBJET, la conférence « L’intime comme nouvelle inspiration », animée par Chloé Ailleret, posait des mots sur ce mouvement de fond. Accompagnée de Laurence Bartoletti, chargée d’études documentaires au MAD Paris, et des architectes Virginie Friedmann et Delphine Versace, le talk évoquait cette nouvelle volonté feutrée en réponse à la surexposition quotidienne.
De l’usage d’assises cocon à celui de paravents, l’intimité s’engage dans l’épaisseur de la ligne, des plis et de la matière.
*Noémie Goddard, l'architecture intérieure et l'intimité, Par Elsa Mourgues pour France Culture
1. Gaetano Pesce, 357 Feltri, Cassina 2. Inga Sempé, Fauteuil Ruché, Ligne Roset 3. Porky Hefer, Cocon 4. Jaime Hayon, Fauteuil Ro, Fritz Hansen 5. Daniel Henry, Triple Stoup, Daniel Henry Studio, 2021 6. Ronan Bouroullec, Vincent Van Duysen et WonderGlass, Photographie Antonio Managò, Milan 2025